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Marques soumises à usage obligatoire : limitation des effets de la reprise d’exploitation introduite par le « Paquet Marque ».

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Octobre 2017

         Dans certains pays, un défaut d’exploitation pendant un certain laps de temps ne peut parfois plus être curé par une reprise d’usage sérieux. C’est le cas notamment aux USA. Plus proche de nous, le cas de l’Italie est intéressant à souligner, la loi italienne dispose en effet de longue date (CPI, art. 24.3) que si la reprise d’usage d’une marque permet effectivement à son titulaire d’échapper à la déchéance, elle ne lui permet pas nécessairement de pouvoir encore s’opposer à un concurrent, qui se serait intercalé entre la date de dépôt de la marque considérée, et sa date de commencement ou de reprise d’exploitation.
L’introduction de dispositions relativement similaires à ce système italien constitue indéniablement un des apports marquant du « Paquet Marque ». Tout en conservant le principe du caractère curable du risque de déchéance en cas d’inexploitation, la nouvelle directive (UE) 2015/2436 et le nouveau règlement de l’Union (UE) n° 2017/1001 limitent sensiblement les effets de cette reprise d’exploitation en termes de protection accordée vis-à-vis de tiers s’étant interposés par le dépôt d’une marque.
Les dispositions pertinentes sur cette question sont disséminées au sein de ces deux derniers textes. La disposition la plus claire et synthétique se trouve dans le 30ème considérant de la directive qui expose : « afin de garantir la sécurité juridique et de protéger les droits liés aux marques acquises légitimement, il est approprié et nécessaire de prévoir, sans préjudice du principe selon lequel la marque postérieure ne peut pas être opposée à la marque antérieure, que les titulaires de marques antérieures ne devraient pas pouvoir obtenir le refus ou la nullité d’une marque postérieure, ni s’opposer à son usage, si la marque postérieure a été acquise à un moment où la marque antérieure était susceptible d’être déclarée nulle ou que son titulaire était susceptible d’être déchu de ses droits (…) ».

          Les états membres devront se conformer à la nouvelle directive au plus tard le 14 janvier 2019 (article 54)1. Les considérants 23 et 24 traitent de ce sujet au sein du nouveau règlement relatif aux marques de l’Union européenne (règlement en vigueur) 2. En matière de marque de l’Union Européenne, ces dispositions sont intéressantes lorsque le tribunal saisi n’est pas un tribunal des marques de l’Union européenne (en cas d’action en contrefaçon à l’encontre d’une marque nationale par exemple) et que ce tribunal ne peut donc déchoir la marque de l’Union européenne antérieure invoquée (articles 124 et 128 du règlement (CE) n° 2017/1001), permettant ainsi d’éviter le sursis à statuer.
Ces nouvelles dispositions complexifieront encore une bonne partie du contentieux relatif aux marques. Elles obligent, notamment, les titulaires à se constituer des dossiers d’exploitation de leurs marques tout au long de leurs vies afin de garantir leur parfaite opposabilité vis-à-vis des tiers. Il est à notre sens douteux que l’objectif souhaité par ces textes, à savoir la sécurité juridique, soit atteint.

Eric Le Bihan
Associé
SANTARELLI

1Les articles 17, 18, 44 et 46 régissent cette question au sein de la directive.
2Les articles 16, 47.2 et 64 régissent cette question concernant le règlement de l’Union.