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Marchandises en transit en France : une atteinte enfin vraiment sanctionnée ?

Le droit des marques a récemment connu, en France, d’importantes transformations suite à la transposition de la Directive UE N° 2015/2436 du 16 décembre 2015 (dite « Paquet Marques ») par l’Ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019. Un point issu de ces réformes semble notamment accueilli favorablement: les nouvelles dispositions relatives aux marchandises en transit sur le territoire français et soupçonnées de contrefaçon.

Les nouveaux articles L. 713-3-2 et L. 716-4-4 du Code de la Propriété Intellectuelle (*) viennent à cet égard transposer l’article 10.4 de la Directive Marques.

Il s’agit – et cela est assez fréquent en réalité – des produits en transit en France, d’un pays tiers vers un autre pays tiers, sans commercialisation en France.

L’ancienne situation, issue d’une jurisprudence de 2011 (**), était peu favorable aux titulaires de droits, sauf à rapporter la preuve que les marchandises en transit étaient destinées à une commercialisation au sein de l’UE (donc pas en « simple » transit), ce qui était plus que difficile, pour pouvoir agir à leur encontre. De ce fait, le nombre des saisies douanières et des contrefaçons sanctionnées avait nettement diminué, au grand dam des acteurs économiques européens titulaires de droits, et au profit des réseaux organisés de contrefacteurs.

Au terme de ces nouvelles dispositions, il n’est donc plus nécessaire d’apporter cette preuve d’une commercialisation des produits sur le marché national pour pouvoir agir.

Le nouvel article L 713-3-2, légèrement différent dans sa rédaction de son équivalent européen, ouvre cependant la porte à de nombreuses interrogations, auxquelles des réponses devront être apportées par les tribunaux dans les mois et années qui viennent.

En effet, il dispose que sont interdits, sans autorisation du titulaire de la marque :

Les produits, conditionnement inclus, revêtus d’un signe (ce ne serait donc pas seulement la marque qui serait visée, comme pour le texte européen) identique à une marque (c’est donc la reproduction à l’identique qui est visée ici) ;

Ou revêtus d’un signe qui ne peut en être distingué dans ses aspects essentiels (il s’agit là des signes proches et non plus identiques, mais cette notion devra être précisée par les tribunaux : en quoi diffère-t-elle éventuellement de la notion d’imitation que nous connaissons plus classiquement ?) ;

Dans la vie des affaires, sans qu’ils aient besoin d’être mis en libre pratique (là encore, on touche du doigt une notion que les tribunaux devront préciser, mais l’on comprend que l’acte de commercialisation effective ou probable n’est plus le premier critère à prendre en compte).

L’article L. 716-4-4 prévoit quant à lui un moyen de défense pour le détenteur des produits, ouvrant la porte à une interprétation du droit étranger par le juge national, et à un infléchissement partiel du principe de territorialité : car pour apprécier et caractériser l’acte de contrefaçon en France, le juge devra déterminer si le titulaire de la marque enregistrée a ou non le droit d’interdire la mise sur le marché des produits dans le pays de destination. On s’immisce donc ici en territoire étranger pour en déduire une absence d’atteinte en France et à n’en pas douter, cela fera l’objet de nombreux commentaires dans les mois à venir.

Même si plusieurs interrogations restent ainsi en suspens, ces nouvelles dispositions semblent a priori bienvenues pour épauler les titulaires de marques dans leur lutte contre la contrefaçon. Il faudra surveiller les contentieux basés sur ces nouvelles dispositions et s’intéresser à leur interprétation par les juges du fond pour mieux les appréhender et juger de leur portée.

Toute notre équipe reste à votre entière disposition pour protéger vos droits de manière pragmatique et efficace et vous accompagner dans la défense active de vos droits.

Olivier Marcombes

 

 Olivier Marcombes, juriste en propriété intellectuelle, a rejoint le cabinet Santarelli en 2013. Il assiste aujourd’hui une clientèle majoritairement composée de grands groupes français aux problématiques internationales.

 

(* ): Legifrance : code de la propriété intellectuelle – Article L713-3-2    et Article L716-4-4

 (**) Nokia Philips CJUE 01/12/2011 Infocura C-446