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De la bonne utilisation des Fablab par les start-ups

Le développement et la démocratisation de l’impression 3D a permis une multitude d’avancées dans de nombreux domaines techniques. Cette technique est aujourd’hui largement utilisée par les startups aux fins d’études techniques et de prototypage dans les FabLabs.

Pourtant elle n’est pas sans risque, en particulier parce qu’elle est probablement la première technologie qui peut conduire à contrefaire simultanément  tous les droits de propriété intellectuelle (droit d’auteur, brevets, dessins et modèles, marques, voire topographies de semi-conducteurs).

Les startups devraient garder à l’esprit certaines règles de prudence afin d’éviter d’une part d’enfreindre les droits de tiers et d’autre part de compromettre la protection de leurs propres inventions/créations.

Rappelons en premier lieu qu’il existe deux façons d’utiliser les outils d’un FabLab : soit en « OpenLab » (c’est-à-dire en libre accès lors d’une journée où la plate-forme est ouverte à tous), soit dans le cadre d’un contrat de location.

La charte des FabLabs précise que les créations ou inventions développées dans un FabLab en OpenLab doivent rester disponibles de manière à ce que les individus puissent les utiliser et en apprendre (principe de l’apprentissage par les pairs).

A l’inverse, toujours selon la charte des FabLabs, l’utilisateur qui loue pour la journée une machine ou le FabLab, voire les services de l’animateur, afin de prototyper un produit ou réaliser une petite série, peut demander le secret et faire signer un accord de non divulgation ; il n’est pas obligé de documenter sa conception pour la communauté et peut déposer les titres de propriété industrielle qu’il juge nécessaire pour la protection et l’exploitation de son invention/création.

Pour ces raisons, l’utilisation du FabLab en OpenLab pose des difficultés qui semblent pouvoir être évitées par une utilisation en location.

Rappelons qu’un produit peut être nouveau (ainsi qu’inventif ou original, et par conséquent brevetable ou protégeable par un autre droit de PI) mais aussi  intégrer un objet connu et protégé (de sorte que le produit nouveau est dépendant de droits antérieurs tiers).

Si l’objet connu est protégé par le droit d’auteur, l’impression 3D de l’objet, réalisée à l’identique (dans le cadre de l’impression par la start-up de son propre produit intégrant l’objet), est un acte de reproduction interdit (L.122-1 CPI). Mais cet acte peut bénéficier de l’exception de la copie privée (L.122-5 CPI) sous réserve de passer le « triple test » : l’œuvre originale doit avoir été acquise de façon licite, la reproduction ne doit pas porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre, ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur.

De plus, la fourniture à la communauté d’un fichier CAO reproduisant l’objet protégé constitue un acte de représentation interdit (L.122-1 CPI) (il s’agit d’une communication de l’œuvre au public par un procédé de télécommunication, selon L.122-2 CPI). Or l’utilisateur du FabLab en libre accès ne pourra se soustraire à cette fourniture.

Par ailleurs, l’utilisateur du FabLab en libre accès est sensé renoncer à la partie patrimoniale de ses droits d’auteur et accepter de laisser ses plans à la communauté pour permettre la reproduction de l’œuvre. Dès lors, les éventuels droits d’auteur qui auraient pu naître de la conception de son nouveau produit par la startup ne pourront pas être revendiqués ni capitalisés. L’application du droit d’auteur paraît plus simple dès lors qu’il y a contractualisation (location de tout ou partie du FabLab).

Si l’objet connu est protégé par un brevet, sa reproduction, à l’identique ou par équivalence de moyens, constitue un acte direct de contrefaçon (L.613-3 CPI), sauf s’il peut être considéré que cet acte de fabrication est accompli dans un cadre privé et à des fins non commerciales, ou qu’il est accompli à titre expérimental et porte sur l’objet de l’invention brevetée. Le prototypage dans un FabLab d’un produit intégrant un objet breveté semble pouvoir bénéficier de la seconde exception.

Mais la fabrication n’est pas la seule façon de contrefaire un objet breveté. Le « fournisseur de moyens » est également sanctionné puisqu’est également interdite, à défaut de consentement du propriétaire du brevet, la livraison ou l’offre de livraison […] à une personne autre que celles habilitées à exploiter l’invention brevetée, des moyens de mise en œuvre […] de cette invention se rapportant à un élément essentiel de celle-ci, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que ces moyens sont aptes et destinés à cette mise en œuvre (L.613-4 CPI), sauf si les moyens fournis sont des produits qui se trouvent couramment dans le commerce.

Or le fichier CAO du prototype réalisé en OpenLab et toute la documentation associée (l’un comme l’autre permettant ultérieurement de reproduire le produit intégrant l’objet breveté) doivent être livrés à la communauté.

Cet acte peut-il être considéré comme un acte de contrefaçon au sens de l’article L.613-4 CPI? Le risque semble réel par analogie aux motifs de l’arrêt  de la Cour de Cassation (Cass. com. 12 fév. 2008), laquelle a précédemment estimé que la fourniture de plans et notices permettant d’installer une installation d’aspiration des eaux vannes mettant en œuvre un procédé couvert par un brevet était un acte de contrefaçon par fourniture de moyens, que le fournisseur connaisse ou non l’existence du brevet.

Par ailleurs, la livraison de cette documentation à la communauté du FabLab constitue aussi une divulgation détruisant la nouveauté du produit développé par la startup, et invalidant par là même tout dépôt ultérieur de demande de brevet portant sur ce produit. Dans le cadre d’une création esthétique, le dépôt d’un dessin ou modèle pourrait encore être envisagé, mais uniquement dans les pays octroyant un délai de grâce (tel que 12 mois en France) permettant le dépôt après sa divulgation par le créateur.

En conséquence, si elle utilise le FabLab en accès libre (OpenLab) pour ses premiers développements, la start-up s’expose à un double risque : celui d’être poursuivie pour contrefaçon et celui de ne pas pouvoir protéger son invention/création par des titres de propriété industrielle. Or les start-ups en quête de fonds connaissent l’importance de ces titres aux yeux des investisseurs.

Une utilisation du FabLab encadrée par un contrat de location permet à la startup d’éviter ces écueils.

Valérie Vulliez

Conseil-Ingénieur

SANTARELLI